Cher Spencer,
Comme le dirais Thomas Stearns Eliot : « Ce que nous appelons commencement est souvent la fin. La fin, c’est l’endroit d’où nous partons. ».
Pour moi, la fin est arrivée, si tu reçois cette lettre, c’est que je suis loin, loin du monde, loin des souffrances qui resteront gravées dans mon regard. Je ne peux plus supporter toute cette pression, cette détresse que je lis dans les yeux des victimes, des yeux qui ne regarderont plus personne… J’ai pu longtemps supporter cela, car toute ses victimes, je ne les connaissais que superficiellement … mais avoir vu Sara dans cette mare de sang, dans ma propre maison…Non, je ne peux pas… J’ai tout perdu, cette nuit là, et je n’ai plus la force de me relever, plus la force de rien d’ailleurs. Le monde est si moche, si violent, tellement loin de ce rêve qui nous habite… Nous sommes tous des monstres, Spencer, tous… Nous sommes coupables du pire : nous sommes capables de tuer des autres êtres humains et de les torturer, comme nous sommes capables d’abandonner nos proches à cause d’un mal-être trop profond à nos yeux… Je me dégoûte en faisant ça, car j’ai l’impression d’abandonner un fils en te laissant derrière moi. Je sais que cette lettre ne t’aidera pas, je sais que tu as peur du noir et que je te laisse dedans en écrivant cela, mais sache que moi aussi j’ai eu peur de l’obscurité, peur qu’elle ne vienne définitivement en moi, peur de ne plus pouvoir rire devant un film de Charlie Chaplin, peur… tout simplement.
« La peur a détruit plus de choses que la joie en a créées », Paul Morand.
J’espère qu’un jour tu pourras excuser, cette lâcheté dont je fais preuve…
« Ce que nous prenons pour de la cruauté chez l'homme n'est presque toujours que de la lâcheté. », Marcelle Auclair.
A toi, le fils que j’aurais aimé avoir.
Gideon